Le 8 juillet 2014, à Belo Horizonte, en demi-finale d’une coupe du monde que le Brésil organisait pour la seconde fois (la précédente s’étant soldée en 1950 par une défaite en finale face à l’Uruguay qualifiée alors d’«Hiroshima national»...), la Seleção est ridiculisée par la Mannschaft sur le score de 1-7.
Ceux qui, par conviction propre, intérêt particulier ou encore paresse d’esprit seraient tentés de ne voir dans ce résultat qu’une de ces surprises dont le football ne s’est jamais montré avare, se priveraient d’en éclairer les leçons et beautés en négligeant de les envisager à la lumière d’une expérience intérieure par laquelle, fût-ce dans l’obscurité, tout se révèle : la poésie, pour ne pas la nommer, parole en exil parmi nous, pratique en effet la transposition des réalités sensibles et des vues intellectuelles dans le domaine qui lui est propre, ouvrant un champ infini de possibles.
En clair : les connaisseurs et les footix, les athlètes et les abouliques, les mages et les vaticinateurs, les pronostiqueurs et les statisticiens, les parieurs et les indifférents, les sponsors et les financiers, les huiles des instances internationales du sport et les autorités brésiliennes, enfin les différentes spécialités des sciences humaines pourront se pencher sur ce spectacle planétaire, y voir un accident ou un cas, la conclusion d’un drame ou d’une bouffonnerie, un phénomène ou non. Mais nous tenons que les poètes, morts ou vifs, ont ici leur mot à dire, eux aussi, et que Carlos Drummond de Andrade (car perdre c’est atteindre quelque chose par-delà la victoire...») eût aimé, n’en doutons pas, célébrer en «poète de la défaite» la lyrique démesure d’un désastre qui seul pouvait, en l’état actuel des choses, consacrer le Brésil.
Consécration du Désastre ou Le Triomphe du Brésil Conçu à la manière du premier, mais portant à ses dernières conséquences le caractère composite et mouvant de l’ouvrage, ce second volet d’Épinicie pour le pays des palmeraies présente quatre parties : une introduction sous forme d’essai, portant notamment sur la poésie, le Brésil, les anthologies, la résolution des incompatibles...; une rhapsodie où les visitations recommencées du baron de Drummond, Haussmann tropical, figure emblématique de la Belle Epoque carioca, entretissent en une fantasmagorie apocalyptique des pastiches de poèmes figurant dans le premier tome – plusieurs bardes de La Poésie du football brésilien nous livrant, grâce à la médiation surnaturelle d’une Dame Blanche, la Jeune Fille Fantôme de Belo Horizonte, leur sentiment sur la déroute sportive, image et reflet d’un désastre infiniment plus vaste que l’art seul est en mesure d’appréhender et de consacrer; un dossier où se côtoient psychographies spirites, mystifications et scénarios catastrophe traduits d’une pluralité quantique des mondes; enfin un appareil de notes auquel les textes renvoient constamment et qui, d’une certaine manière, constitue l’ossature de ce livre épars, et nombreux.